samedi 19 mai 2012

On se remet les pendules à l'heure

Non, je ne suis pas encore porté disparu, et je ne suis pas non-plus rentré en France à l'heure où bien des camarades finissent leur 3A. Le rapport de séjour en premier lieu, les cours, et divers autres éléments (petit boulot de temps à autres, Game of Thrones, etc...) ne me laissent pas assez de temps pour poster autant que je le voudrais. Il y a tant de choses dont j'aimerais vous faire part, mais l'horloge tourne... Le cliquetis de ses aiguilles est d'autant plus assourdissant qu'après avoir refait le compte du temps qu'il me reste de ce côté de la planète, le compteur vient de dépasser la barre des trois mois. Horreur. Où est donc passé tout ce temps perdu, à savoir comment ?

Il l'avait déjà prédit 53 ans auparavant. Quel bonhomme, ce Jacques !
Quoi qu'il en soit, il y a plusieurs informations plus ou moins avariées dont je voulais vous faire part avant de repasser à l'actualité. Rubrique nécrologie, ouvre toi.

Tout d'abord - et je vous en ai longuement parlé auparavant - le printemps est arrivé. On a eu les sakura, la hausse des températures, la stabilisation d'un beau temps qui commence à s'entrecouper de jours de pluie et de sympathiques orages, mais aussi le commencement d'un nouveau semestre qui est en réalité le premier. En effet, si le calendrier civil japonais commence en janvier, les calendriers fiscal et universitaire commencent en avril ! Ainsi, c'est tout un flot de nouvelles recrues de 18 ans qui s'est déversé sur le campus, allant d'une orientation académique à une autre tout en se perdant en cours de route dans la jungle des bâtiments numérotés. Ils étaient venus pleins d'espoir, de rêves de gloire, d'études brillantes et de célébrité future, mais ils ne savaient pas que leurs prédécesseurs, eux, les attendaient de pied ferme.

Coucou

 Eh oui, les clubs et cercles de Waseda rôdaient par centaines sur les campus principaux, tout à la chasse aux premières années. C'est également la rentrée de la vie associative (très) prolifique de l'université, car après les adieux larmoyants de février faits aux 3e années quittant toute activité extra-universitaire pour se concentrer sur la fastidieuse recherche d'emploi, il faut regonfler les rangs de nouvelles recrues. Ici, on ne rigole pas avec la matière : quand on intègre un club, on en reste un membre jusqu'à la fin de ses études. Il n'y a pas que le côté honneur et respect du groupe qui joue ici, mais aussi le simple fait que les amitiés les plus profondes et sincères se tissent au sein des cercles. De fait, la rentrée universitaire est l'occasion de l'année pour les groupes divers et variés de se régénérer et de se perpétuer en de nouvelles générations - bon nombre d'entre eux existant depuis plus de 50 ans. Du coup, ils y mettent les moyens. Tous les moyens.

Folie sur le campus

Si vous avez comme une impression de déjà-vu, c'est normal : l'atmosphère était peu ou prou la même que durant le Festival de Waseda en fin d'année. Mais à la place des stands de crêpes, yakisoba ou taiyaki se trouvaient des tables posées un peu n'importe remplies de propagande et de fiches d'inscription, et à la place des étudiants déambulant dans des déguisements plus recherchés les uns que les autres rôdait une foule compacte de teneurs de pancartes et de distributeurs de flyers. La preuve en images.





Mais là où j'ai le plus halluciné, c'est quand je me suis rendu près de l'auditorium Ôkuma.



Une grève ? Une protestation étudiante contre les frais de scolarité ? Une masse d'admirateurs attendant une célébrité ? Non : juste une foule de vautour postée en embuscade, attendant que les 1A sortent d'une de leurs conférences d'orientation. Dès que les premiers étudiants sont sortis, ça a été une bousculade monstre. La foule remua comme une mer de tempête, hurlant ses slogans, agitant ses pancartes et bourrant littéralement les nouveaux venus d'une masse de flyers. Les pauvres ne pouvaient que tendre légèrement les mains pour se retrouver en une poignée de secondes avec une pile de trente feuilles A4 imposées de force dans leurs bras. Un bordel incroyable.

Les 1A ne comprennent vraiment pas ce qui leur arrive.

Le chemin est étroit et semé d'embuches

Mais dans toute cette agitation qui fleurait de temps en temps la testostérone et les coups de sang, il y a eu des évènements bien sympathiques et une ambiance très festive.

Pompoms et ôenbu étaient de la partie

Pancarte très bon esprit pour un club de karaté avec le célébrissime Rilakkuma. Le karaté sans peine !

Flyer pour le club de culturisme qui ne se gêne pas pour chambrer l'université Keio au passage. En haut : Mister Waseda. En bas : Mister Keio. Tafioles.

Porteurs de pancartes dansant au rythme de la Batucada. On se serait cru au Crit, à l'autre bout de la Terre

Aperçu des brochures tombées au combat. Impact écologique massif.

Bien entendu, le mois d'avril était aussi la période d'intégration des nouvelles recrues dans leurs clubs respectifs. Cela s'est traduit par la multiplication hallucinante des nomikai organisés dans tout le quartier ainsi que du nombre de bourrés à la station Takadanobaba à 19h. Il faut bien qu'ils se fassent leurs premières armes.


Cette folle effervescence à peine achevée, j'ai choisi mes cours pour le semestre. Désirant avoir plus de temps libre pour profiter du Japon avant la fin, j'ai choisi pas mal d'enseignements avec une charge limitée en devoirs à la maison, mais j'ai aussi - ô miracle ! - débloqué mon week-end en me débarrassant de tout boulet le samedi matin. Arrivant désormais à communiquer plutôt aisément dans la langue des samouraï, j'ai reporté mes efforts sur des cours plus culturels afin de me plonger dans les profondeurs de l'archipel, très loin sous le vernis de J-pop et de pachinko qu'on peut voir à tous les coins de rues. Je me suis aussi fait plaisir sur certains enseignements, ayant enfin le niveau de prendre autre chose que des cours où on se raconte notre vie en 300 signes. Petit aperçu :

  • Learn Japanese through the World of Hayao Miyazaki 5-6
  • The latest Japan in TV news 5
Moi qui rêvais en vain de prendre ce premier cours en début d'année, me voilà vengé maintenant que j'ai un niveau suffisant ! Pour faire simple, nous regardons chaque semaine un extrait de 45 minutes d’une œuvre de Miyazaki qui sert de base à des points de grammaire et des discussions de groupe. Au final, ce sont quatre productions entières du studio Ghibli que nous allons étudier à travers quatre axes d’étude différents. Pour ce qui est du second cours, il s’agit de regarder, comprendre et décortiquer les informations télévisées japonaises sélectionnées par notre enseignante. Je vais peut-être créer une rubrique dans ce blog pour vous raconter ce qu'on y voit chaque semaine, pour peu qu'on tombe sur des sujets vraiment intéressants.
  • The Falk Tale and the Fairy Tale 5-6
  • Let’s Read Japanese Old Tales 5-6
Deux cours semblables ou presque sur les contes de fées. Tandis que le premier repose sur une démarche comparative avec les contes du monde entier, le second s’intéresse plus spécifiquement aux vieilles histoires nippones. S’ils peuvent sembler légers, ces cours sont très enrichissants culturellement et me permettre de saisir les références dans nombre de mangas et de jeux vidéos japonais.
  • Natural Expressions in Japanese 5-6 
  • Vocabulary Building 5-6
Comment ne pas passer pour un étranger, voilà qui pourrait être la devise de ces cours. Faisant la chasse à la mauvaise utilisation d’expressions courantes et aux tournures de phrases sonnant très gaijin, l’accent est mis sur l’emploi correct des particules ainsi que d’autres formes qui, à l’image du passif ou du causatif, sont assez mal exploitées par les étudiants d’échange. Mais plus qu’une accumulation d’éléments nouveaux, il s’agit d’une consolidation : les éléments étudiés sont connus pour la plupart, mais on apprend à les utiliser.
  • Music of Japan: from nursery rhymes to lieder 4-8
Alors là, je suis tombé sur un bel ovni. Ce cours s’intéresse aux chants traditionnels japonais, et tout particulièrement aux chansons d’enfants... c’est ainsi qu’on se retrouve chaque séance à chanter des airs connus de tous les Japonais et à étudier leurs paroles, qui renvoient parfois à des pratiques traditionnelles ou à la saison en cours, souvent au simple et joyeux bordel qui règne dans les chansons de maternelle. Malgré s'il est très ludique, ce cours ouvre une belle fenêtre sur le « vrai » Japon. Sans aucun doute, il sera aussi un beau réservoir à articles que je vous ferai partager !

Deux exemples pour vous donner une idée :

 
 Chatsumi, ou comment cueillir le thé dans la bonne humeur.

 Inu no omawari-san, à propos d'un chien policier bien embarrassé face à un enfant perdu

  • Learning Loan Words in Japanese 5-6
A travers la lecture d’articles de journaux et de magazines, nous étudions toute la frange du vocabulaire japonais usuel empruntée à d’autres langues depuis le XVIe siècle. Cherchant l’origine de ces mots écrits en katakana au sens impossible à deviner faute de kanji, cet enseignement nous pousse à étendre notre vocabulaire dans la direction peu commune des langues européennes et ouvre des perspectives intéressantes sur l’évolution du Japonais.

  • Communicative Pronunciation 5
  • Japanese Sentence Patterns for Communication (1) 6
Mes espérances n’ayant pas été remplies au premier semestre, j’ai repris un autre cours de prononciation basé sur un manuel différent. Cet enseignement s’approche plus de ce que j’attendais : la théorie étant mise de côté, l’accent est mis sur la pratique avec la recherche du bon ton et du bon rythme en incluant une approche physique. Le second cours est en réalité le cours de grammaire réapparu sous un nouveau nom. Le déroulement est identique au premier semestre, quoique avec un rythme soutenu et des exigences plus élevées.

  • Shinto in Japanese History and Culture
  • Language and Society
En ayant eu un peu marre de n'étudier que du japonais, j'ai choisi deux open courses proposés par un autre département en Waseda. Tenus en anglais par des professeurs britannique et américain, ils visent tous deux à améliorer ma compréhension de la société japonaise et tutti quanti.


Bref, en ce début d'année scolaire, le campus de Waseda était plein à craquer d'étudiants bien consciencieux. Je suis même tombé à plusieurs reprises sur ce genre d'individus :


Non, ce ne sont pas des loubards parés à vous casser la gueule avec le sourire, mais juste une bande de lascards portant l'uniforme de Waseda. Remarquez la forme carrée de la casquette, spécificité voulue par le fondateur, Shigenobu Ôkuma, pour qu'on puisse reconnaître un étudiant de son établissement au premier coup d’œil où que l'on soit dans l'archipel. Au Japon, l'uniforme est obligatoire à du primaire à la fin du lycée ; une fois la liberté de se vêtir acquise en entrant à l'université, vous vous doutez bien que l'immense majorité des étudiants s'habille différemment. Toutefois, une minorité tradi arbore fièrement cette tenue (inspirée par les uniformes militaires de l'ère Meiji) comme pour revendiquer son appartenance à cette prestigieuse institution. En d'autres termes, bien des 1A se sont sentis pousser des ailes en arrivant.

Mais il ne savaient pas qu'une maladie grave, se répétant chaque année comme la grippe et connue de tous leurs sempai était sur le point d'arriver. Elle s'appelle la Golden week. Il s'agit d'une succession de 4 jours fériés courant du 29 avril au 5 mai, généralement simplifiée en une semaine de vacances - ce qui est la période préférée des Japonais pour prendre des congés. Pour une obscure raison pas-si-étrange-que-ça liée à l'arrivée du beau temps et de températures supérieures à 20°C, la Golden week a un effet décision sur les étudiants de Waseda qui, au lieu d'aller sagement en cours et d'étudier studieusement, préfèrent glander au soleil ou se la coller à l'ombre. Comme quoi, il ne fallait pas leur accorder leur seule semaine de congé du semestre. Le nombre d'étudiants sur le campus a bel et bien chuté, libérant l'université d'une foule compacte et facilitant le transit de bâtiment en bâtiment. Impec !
La Golden Week selon Google.


De mon côté, j'ai imité les autochtones en prenant ma valise pour faire un tour de l'autre côté de la mer du Japon, posant sur pied sur cette merveilleuse péninsule qu'on appelle la Corée. Mais ça, ce sera pour mon prochain article...

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