vendredi 17 février 2012

Chevreuil VS Wild 4/5

Jour 4 : La ville du Château et la ville du Temple

Réveil rapide, petit-déjeuner inhabituel à base de gyûdon chez Matsuya et c'est reparti de petit matin pour visiter Matsumoto. La ville se réveille doucement, les rues sont désertes, le ciel est clair et le froid, glacial. Une fois la cité traversée, j'arrive à l'attraction qui m'avait fait rêver de Matsumoto depuis un moment : son château. J'avais vu des photos et trouvé ça magnifique, mais là... c'est bien plus que ça. C'est merveilleux.


Brume sur l'eau des douves

Oiseaux de proie sur le Château du Corbeau

A Matsumoto, les montagnes ne sont jamais loin



Si j'ai eu la chance de voir le château dans la lumière du petit matin sans aucune horde de touristes à l'horizon, je me suis fait avoir sur un autre point : le château lui-même était fermé. Congés de fin d'année oblige. Bon, disons que c'est une invitation à revenir une autre fois !

Du coup, je me suis beaucoup baladé dans cette ville pleine de puits et de canaux. Disons que ça donne bien plus envie qu'au milieu de la nuit.


Les gens venaient les uns après les autres remplir leur 36 jerricanes. C'était drôle.



Bibelots du Nouvel An

L'onsen de la veille, retrouvé dans la lumière du jour


L'horloge tournant, je zappe le musée des estampes, tamponne mon pass Seishun 18 et saute dans le train à la mi-journée. Avançant tout doucement dans la vallée, il commence à gravir une montagne à la façon Tintin et le Temple du Soleil avec quelques lacets avant d'arriver à un col, ouvrant un bien joli panorama sur ma prochaine étape : Nagano.

La vallée de Nagano

Grand hall de la gare

Nagano, ville des Jeux Olympiques de 1998. Ce n'est pas l'héritage sportif qui m'a attiré sur les lieux, mais bien plutôt son héritage spirituel. En effet, Nagano a été construit tout-autour de ce qui est l'un des temples les plus connus des Japonais : le Zenkô-ji. Je vais vous épargner le copier-coller de Wikipédia, mais sachez juste qu'il a été fondé au VIIe siècle, que Nagano a été construit autour du temple et que c'est l'un des rares temples où se déroule encore un pèlerinage important.

Voie d'accès au temple, bordée d'échoppes et d'autres marchands

L'un des immenses et effrayants gardiens du temple

Parmi ses particularités, notons la présence d'une statue de Bouddha - peut-être la première importée au Japon - cachée des regards dans un secret absolu tel que le prêtre principal lui-même n'a pas le droit de la voir. Seule une copie est présentée au public tous les six ans, attirant une grande foule de fidèles... Ca fait rêver, pas vrai ? Ajoutons à cela une statue de Binzuru, un médecin ami du Bouddha, que les croyants viennent toucher pour guérir de leurs maladies au point que la surface en est toute polie... A l'intérieur, où les photos sont interdites, le temple est plongé dans une semi-obscurité mystique. Il en ressort une impression de sacré incroyable qui m'a fait rester sur les lieux bien plus longtemps que je ne l'aurais pensé. Et pourtant, j'ai loupé la dernière visite dans les ténèbres de la crypte...

Le temple Zenkô-ji, lieu spirituel incroyable

Statues de Jizô, protecteur des enfants et des voyageurs

Le soir tombant, je retourne à la gare de Nagano pour prendre un train d'une ligne non-JR, la bête, étonnement moderne pour sa destination, répondant au doux nom de Special Express Snow Monkey. Destination : la ville thermale de Yudanaka perdue dans les montagnes. Il fait noir, il neige et il y a de la glace sur la route, mais j'arrive à rejoindre mon logis.



Plan logement #4 : L'onsen, ou établissement de bains japonais

Arrivé à l'Uotoshi ryokan, je fais la connaissance du très sympathique propriétaire avec qui j'avais échangé une paire de mails, j'accomplis le check-in et je monte déposer mes affaires dans la chambre. Tatamis au sol, futon préparé dans un coin : impeccable. Je me mets en yukata, descends au rez-de-chaussée et profite de ce que les bains soient ouverts H-24 pour me détendre un max. Eau chaude, vieille baignoire, bonne ambiance.

Vieille baignoire en bois de cyprès, à la lumière du jour

Petites douches pour se laver avant d'entrer le bain - hors de question de les ignorer!

Salle de repos et de toilette à l'entrée du bain

Je remonte quelque temps plus tard pour me prendre un thé vert de derrière les fagots dans ma chambre, et surtout... glander sous le kotatsu !

Coucou kotatsu !

J'en avais entendu parler, je savais que c'était coolôs mais je n'aurais jamais imaginé que ce soit aussi jouissif. Ce n'est pourtant pas grand chose : une couverture épaisse calée sous une table basse avec un système de chauffage en-dessous. Et pourtant, c'est un élément assez important de la culture japonaise liée à l'hiver (avec le mix clémentine-mochi placé sur la table). Dans le temps, c'était un véritable poêle qu'on plaçait sous la couverture, déclenchant donc une fois sur trois un sympathique incendie qui détruisait tout le voisinage ; de nos jours, c'est devenu un système à rayons infrarouges. Mais le principe est le même : dans une maison mal isolée, qu'elle soit en bois ou en béton, où les murs et les fenêtres transpirent le froid, s’asseoir à la table, mettre les pieds sous le kotatsu et sentir ses jambes au chaud est juste fantastique. S'il y a bien une chose que j'aimerais rapporter en France, c'est bien ça : un bon kotatsu pour passer l'hiver !

Les animaux aussi savent profiter des bonnes choses

Le kotatsu a juste un inconvénient : une fois qu'on s'est mis dessous, on n'a plus aucune envie d'en sortir. C'est donc en me faisant violence que je m'en suis extirpé pour mieux m'effondrer dans mon futon. Première nuit plus ou moins normale pour me préparer au mieux à la dernière journée de voyage...

mardi 14 février 2012

Chevreuil VS Wild 3/5

Jour 3 : Sur la route du passé

Partant de bonne heure, je fais quelques réserves au combini du coin et me tape le petit-déjeuner dans le train le plus discrètement possible, quoique personne ne semble m’accorder la moindre attention. Il est toujours un peu gênant de manger dans l’espace public hors espaces désignés au Japon, car bien que ce ne soit pas défendu et qu’aucune affiche ne le désigne comme un comportement irrespectueux, c’est plus ou moins considéré comme impoli et personne ne le fait. Je conçois que ce soit un peu dérangeant si quelqu’un bâfre son bentô-fondue bourguignonne en en foutant partout dans le métro… Mais vu que grignoter mon pain brioché et boire mon café thermos en silence ne laisse pas de trace, je casse la dalle sans me faire prier. Destination : la vallée de Kiso toute proche.

Dans ce vallon perdu au milieu des montagnes passait la grand’route Nakasendô qui, comme son homologue Tôkaidô le long du rivage, reliait Tokyo à Kyoto. De nombreux villages-étapes ont fleuri au passage, profitant de l’afflux des marchands pour s’enrichir, mais le déclin du shogunat et la création de la ligne de chemin de fer Chûô évitant cette région a précipité les patelins dans la pauvreté et l’oubli. Par chance, quelques relais ont été restaurés et plus qu’eux, c’est la route elle-même que je voulais voir et emprunter. Son tracé a été conservé et certaines sections aménagées pour la randonnée, et c’est dans l’une de ces sections que je me lançais à l’aventure.

Ochiai

Arrivé dans la petite ville de Nakatsugawa sur le chemin de fer, je prends le bus qui m’emmène un peu plus loin à l’ancien relai d’Ochiai. Le soleil brille, il ne fait pas si froid que ça, bref, c’est parfait pour une belle randonnée ! Une fois la Nakasendô trouvée, c’est allé tout seul. Les guides touristiques ont prévenu qu’il y a beaucoup de monde sur la voie mais cela ne doit valoir que pour l’été : mis à part deux Chinoises, il n’y avait pas âme qui vive sur la grand’route. De fait, l’ambiance était incroyable. La route filait tantôt à flanc de montagne dans des forêts enneigées, tantôt dans la plaine au milieu des rizières, et l’on pouvait presque se sentir revenu au XVIIe siècle japonais en marchant sur la section pavée d’époque. De temps en temps, une maison de thé abandonnée ou un vieux refuge surgissaient au bord de la route comme des spectres du passé.

L'ancienne grand'route Nakasendô



Entrée d'un sanctuaire shintô au bord de la route

Mais les anciens relais aussi renvoient à leur ancien âge d’or. Ayant banni voitures, fils électriques et autres signes ostentatoires de modernité de son centre et conservé en l’état les maisons de part et d’autre de la route, le relai de Magome s’est développé autour d’une pente centrale qui fut sans doute propice aux maisons de thé et autres établissements propices aux voyageurs éreintés. Aujourd’hui encore de nombreuses échoppes et restaurants traditionnels tentent les voyageurs, quoi qu’ils soient déserts voire fermés durant la basse saison. Tout comme le village tout entier où quelques visiteurs erraient comme des âmes en peine.

Le relai de Magome


Les distributeurs automatiques aussi désaltèrent les pèlerins. Chassez la modernité, elle revient au galop.

Le segment suivant de la Nakasendô était nettement plus fun. S’avançant dans une forêt luxurieuse côté ubac, elle n’est qu’un tapis de neige dans un paysage blanc moucheté de vert. A intervalles réguliers sont plantées des cloches (!) censées protéger des attaques d’ours. Parfaitement inattendu et délicieusement décalé.



"Attend, j'te rappelle dans une seconde le temps de sonner la cloche, y'a un ours qui m'attaque."




Le chemin a tout doucement grimpé jusqu’à un col puis a tout aussi doucement descendu jusqu’au relai suivant : Tsumago. Tsumago ressemble beaucoup à Magome, à la différence près que le terrain est plus plat et que le village est encore mieux conservé. Je me suis vraiment attendu à croiser bonzes errants, samurai itinérants et autres braves gens en kimono sur un chemin de terre battue. Malheureusement, il n’y avait que leurs ombres. Ainsi qu’un détachement de retraitées adorables qui s’extasiaient de mon voyage solitaire et ne tarissaient pas d’éloges, visiblement décidées à me faire rougir.

Au loin, Tsumago vu du col

Le relai de Tsumago



Dernière portion et la plus courte de toutes, la Nakasendô se poursuit jusqu’à la petite gare de Nagiso où l’on retrouve le XXIe siècle. Avançant d’un bon pas sur la route, je m’arrête en découvrant par hasard les ruines du château de Nagiso… qui sont sans doute celles qu’on m’avait indiquées au sommet du château d’Inuyama ! Bel endroit un brin mélancolique dans la lumière rasante du soleil déclinant. Une pierre commémorative est dressée à l’emplacement du donjon, un autre rocher gravé – sans doute une pierre tombale – repose dans un coin tandis qu’un kami de la forêt, reconnaissable à la bandelette de papier nouée autour de son tronc, veille paisiblement sur les lieux.

Ruines du château de Tsumago


Vue en chemin, l'annonce la plus cauchemardesque au monde.

C’est à contrecœur que j’interromps cette visite inattendue pour sauter dans le train en direction de Matsumoto. "Matsumotoooo, Matsumotoooo, Matsumotooo…" La première chose qui me frappe en arrivant, c’est la note surjouée de la voix enregistrée de la gare qui d’habitude est déjà très enthousiaste. En sortant, je sens le froid, je vois la gamme de services autour de la gare ainsi qu’une ligne de plots en forme de singes. Je sens que je vais aimer cette ville. Et la première impression est toujours la meilleure.

Bienvenue à Matsumoto !

Avant toute chose, je pars en quête de bains publics. Suivant ma carte, je traverse la ville dans un sens pour me prendre un vent (jour de fermeture hebdomadaire), puis dans un autre pour arriver à mes fins. Je m’attendais cette fois-ci à un méga bâtiment comme la veille, mais surprise ! c’est dans un minuscule onsen familial que je débarque. La vieille femme à l’entrée me fait un grand sourire et un accueil chaleureux. Les lieux ont le charme vieillot des établissements de province restés hors du temps. Je me désape dans le petit salon / salle de repos à la portée de vue potentielle de la grand-mère – qui a dû voir plus d’hommes nus dans sa vie que Clara Morgane – puis j’entre dans la salle de bains.

Vieux casiers à chaussures

Un bassin de taille modeste, une dizaine de robinets pour se laver, et de l’autre côté d’un mur ne montant pas jusqu’au plafond, l’espace des femmes qu’on entend discuter. Un homme d’âge moyen et un autre plus jeune se savonnent et se relaxent, bientôt rejoints une troupe de cinquantenaires et plus arrivant au compte-goutte. J’engage la conversation avec l’un d’entre eux, et très rapidement on en vient à parler de l’eau, du vin japonais, du shintoïsme ou encore du marché de l’emploi japonais. L’homme étant spécialiste de ce dernier sujet, il ne tarde pas à fustiger la jeunesse japonaise qui ne sait plus lire, écrire, parler et prononcer correctement. Quand je lui en demande la raison, il ne tarde pas à sortir le réquisitoire de vieux con condamnant mangas, anime et jeux vidéos, variante de ce à quoi on a eu droit dès Socrate avec l’expansion de l’écriture. Et on a sans doute entendu ça encore plus tôt avec la sédentarisation des chasseurs-cueilleurs, voire avec la manière de tailler des bifaces au Néolithique. Je me garde bien de dire ce que je pense, étant tout à fait conscient que j’aurai le même discours de vieux con quand j’aurai 80 ans et que les jeunes s’abrutiraient de cinéma à immersion réelle entre deux rave-parties sur la Lune.


Mon interlocuteur apostrophe régulièrement les autres usagers, les appelant par leur nom comme de vieilles connaissances pour appuyer ses propos, demander confirmation ou encore retrouver l’écriture en kanji d’une rare variante de rouge – qui est finalement restée inconnue dans un éclat de rire. Toutes ces personnes font partie du même groupe d’habitués venant se baigner tous les jours ou presque, certains depuis des dizaines d’années et ayant vu passer les changements de l’établissement. Seule la fresque en mosaïque au-dessus du bassin représentant le château de Matsumoto dans le soleil couchant – à moins que ce ne soit une montagne ? – compte parmi les évolutions notables, les anciens s’accordant tout de même sur le fait que la grand-mère à la réception était plus belle de son jeune temps ! Je prends conscience du caractère profondément social des bains publics où les gens à poil discutent naturellement en faisant fi des générations et de sa place dans l’échelle sociale. Le pouvoir ne se porte qu’habillé, dit-on couramment…


Quittant les bains à la fermeture, je passe le temps en flânant près de la gare. Mes pas me portent vers ce qui semble être la rue chaude de Matsumoto où les clubs à hôtes et hôtesses emplissent presque tous les bâtiments. De l’un d’entre eux sort un groupe de salarymen proches de la soixantaine, sans doute des habitués, riant avec des hôtesses en vison et jupe courte qui les accompagnent jusqu’au perron. Elles n’ont pas l’air d’avoir plus de 17 ans, mais en bonnes Japonaises, ça ne m’étonnerait pas qu’elles aient une dizaine d’années de plus.
Plus inhabituelle a été la charmante quarantenaire qui m’a abordé en me proposant un massage gentiment décliné puis, à mon second passage dans les environs, a traversé la rue pour me proposer franco une passe en me prenant par le bras, prix d’ami me dit-elle. C’est bien la première fois que je rencontre une Japonaise aussi directe, ce qui m’a fait me sentir un peu Charisma Man sur le coup. Laissant là une honnête entrepreneuse privée de son travail, je retourne près de la gare pour mettre mon plan machiavélique à exécution…

Plan logement 3 : MacDonald’s 24h/24

Ca faisait un moment que je voulais tenter l’expérience et voir si un être radin au possible peut être logé une nuit pour le prix d’un Big Mac. Pour cela, il faut un élément essentiel : un McDonald's à deux étages ou plus histoire d'être hors de portée de vue et d'oreille des employés. Par chance, le Mc Do de Matsumoto avait un étage assez large et pas mal de recoins où se planquer discrétos - il semble qu'il soit interdit de dormir dans le coin...

Montant les escaliers avec mon équivalent Maxi Best of Big Mac et coca, je me pose dans un coin, mange mon repas et regarde les gens pour passer le temps. Etant tout près de la gare, le Mc Do semble être le lieux de rendez-vous des jeunes de Matsumoto qui se ramènent en groupe, tout comme les salarymen qui viennent causer boulot autour d'un bon burger. Eh oui, aussi autant que cela puisse paraître, le MacDonald's est un lieu de prédilection pour le travail au Japon ! Les étudiants viennent y bosser leurs cours, les professeurs particuliers y dispensent leur enseignement et les collègues de travail y tiennent des réunions informelles tout comme cela pourrait se faire dans un Starbuck's ou dans un autre café. Une fois qu'on a commandé, on peut rester aussi longtemps qu'on veut au chaud avec une table, donc autant en profiter... ça vous épate, hein.

Bouquinant un peu en attendant que les gens partent peu à peu, je m'installe confortablement, mets les boules Quiès et sombre. Je me réveille vers 4h du matin, l'étage est vide, les lumières sont éteintes. Il y a du son en bas, donc le restau est encore ouvert... mais je fais la connerie de quitter l'étage tout entier à ma disposition et descends. Là, je vois que l'étage est fermé jusqu'à 6h du matin... J'en profite pour faire un petit tour dehors (où il caille sévère), je cherche un Internet café où finir la nuit (sans succès), je passe une heure dans un combini à fixer les produits et feuilleter les magazines puis je reviens au McDo à 6 heures, prends un hamburger tout simple et me rendors pour un petit moment. Bilan de l'opération : succès !

vendredi 10 février 2012

Chevreuil VS Wild 2/5

Jour 2 : Micmacs dans le réseau ferré

Le froid glacial à Nagoya m’a dissuadé de m’aventurer en-dehors de la gare. Bien au contraire, j’ai sauté dans un train (non-JR) en direction de la ville voisine d’Inuyama. Bien que cette dernière soit le terminus, je me suis réveillé en sursaut après m’être assoupi et, croyant avoir raté l’arrêt, je suis descendu en trombe. J’ai alors pris un train en sens inverse qui, inexplicablement, m’a aussi emmené à Inuyama… Des plaques de neige subsistant dans les ombres m’ont confirmé qu’au Japon aussi, il neige.

La première chose que j'ai vue en débarquant à Inuyama. Des barres.

Le centre-ville d’Inuyama n’a que peu évolué depuis l’époque féodale, les maisons anciennes ayant été conservées et l’ambiance se faisan clairement nostalgique. Je suis vite venu à la conclusion que ce n’est pas une ville très agréable à vivre, n’ayant vu que des vieux de plus de 60 ans et deux combini en tout et pour tout. Notons à sa décharge qu’il était 9h du mat, qu’on était un mardi et qu’il y avait un froid de canard.




Détail de toiture d'un temple


Si la balade était sympathique dans ce qui semblait être une ville fantôme, le principal intérêt d’Inuyama reste son château, l’un des Quatre Bijoux du Japon parfaitement conservé et le plus vieux château encore debout. Perché sur son éperon au bord d’une très large rivière, il m’a fait penser à un corbeau sur une branche. Bien plus immense qu’il n’y paraît, il aurait pu loger bien des rave-parties tandis que son balcon faisant le tour entier du dernier étage offre une vue du tonnerre, dévoilant notamment les autres places fortes du coin : Nagoya, Gifu et les ruines d’un château donc j’ai oublié le nom.

Le château d'Inuyama



Le château vu depuis le train

Alors qu’on s’approchait de la mi-journée, j’ai voulu déployer tout mon savoir-faire pour rentrer à Nagoya avec la ligne JR – sans payer davantage pour les transports. J’ai donc repris le train pour un arrêt, histoire de retomber sur une gare JR, puis j’ai sauté dans le train en direction de Nagoya… et je me suis retrouvé à manger un Big Mac à Gifu, soit à l’opposé. Je n’ai pas compris ce qui m’est arrivé, d’autant plus que je suis arrivé dans la ville où ma copine a fait un stage de langue l’été dernier et donc elle m’a beaucoup parlé. J’en ai donc profité pour me balader un peu dans cette ville charmante où il semble bon vivre, et si je n’ai pas eu le temps de visiter le château, j’ai au moins découvert une vieille salle d’arcade proposant des jeux grandement dépassés (Ghost’N’Ghouls, Street Fighter 2, etc…) pour seulement 50 yens. J’ai donc joué et me suis fait latter à Tekken Tag Tournament dans une ambiance rétro avant de remonter dans le train et d’arriver à bon port cette fois-ci.

OMG it's Gifu !

Les alentours de la gare, japonais au possible



La salle d'arcade en question avec ses jeux rétro


Ville moderne, Nagoya m’a donné l’impression d’être un Tokyo de province. Si ce n’est pas aussi fou que Shibuya ou Shinjuku, il reste que les alentours de la gare sont remplis de grandes tours, de néons et de pachinko – ce qui présage d’une vie nocturne prometteuse.


A Nagoya, on fait pas les choses à moitié

Traversant la ville de part en part durant ce qui m’a semblé être une éternité (ça m’apprendra à regarder l’échelle des plans touristiques), je n’ai vu apparaître le château de Nagoya qu’au dernier moment. Et pourtant, quel château ! Bien plus vaste que celui d’Inuyama, il a été construit par Tokugawa Ieyasu (le dernier unificateur du Japon, début XVIIe) pour l’un de ses rejetons afin de sécuriser le trafic sur la grand’route Tôkaidô. Construit sur un terrain plat, il n’en reste pas moins imprenable au vu de la largeur des douves, du nombre de portails blindés/ignifugés et de la base impressionnante du donjon (qui titre à 50 mètres quand même).

Le château de Nagoya


Ce château était l’un des bijoux du Japon jusqu’à ce qu’une bombe incendiaire le rase entièrement en 1945. Les Japonais ne se sont pas débinés pour autant et ont reconstruit le donjon à l’identique, ou tout du moins en ce qui concerne l’extérieur car l’intérieur a été parfaitement adapté à l’installation d’un musée avec larges escaliers et ascenseur central. Ce qui a définitivement flambé en revanche, c’est le Palais Hommaru qui s’étendait aux pieds du donjon, l’une des plus belles constructions du Japon, villa de l’Empereur de surcroît et réceptacle d’une collection impressionnante d’estampes inestimables réduites en cendres. La perte de ce palais semble avoir profondément traumatisé les Japonais du coin vu que 80% du contenu du musée touchait de près ou de loin au Palais et à l’incendie, le tout étant joint d’un pamphlet contre la bêtise humaine de la guerre. Loin de se laisser abattre, le Japon a initié en 2009 le projet pharaonique de rebâtir le Palais à son emplacement d’origine. Résultats en 2018.

Station de métro qui a gravement la classe


Office gouvernemental de la préfecture d'Aïchi

Le soir approchant, je me balade un peu dans la ville avant d’abandonner et de prendre le métro pour rentrer à la gare, d’où je me rends – enfin ! – aux bains publics que je désirais depuis un moment. Suivant les instructions qu’on m’a données, je descends d’une station, marche un peu, galère pour trouver l’endroit exact… et hallucine. Je m’attendais à trouver un endroit tout simple – le gars ayant précisé qu’il ne s’agissait pas d’un onsen – et voilà que je tombe sur une immense structure à mi-chemin entre le magasin Ikea et les bains de Chihiro.


Parking de plusieurs centaines de places, restauration japonaise à prix réduit, manucure, salle de jeux… tout était regroupé dans le même bâtiment et accessible sitôt payé le billet d’entrée. Mais là où on voit que les affaires marchent bien, c’est quand on est à poil avec sa petite serviette et son baquet : rangées de petites douches à la sauce industrielle, multiples bassins de type spa avec des particularités différentes, sauna et surtout… rotemburo. Il s’agit de ce qu’on imagine quand on pense aux onsen : des bassins extérieurs où l’eau (très) chaude se mêle à l’air glacial, le tout avec un brin de vapeur (presque) naturelle. Outre le grand bassin pouvant accueillir une dizaine de personnes et muni d’un écran plat branché sur le TV, il y avait un autre bassin légèrement plus petit à l’écart et au calme, perdu dans la vapeur d’une machine à fumée, mais aussi des baquets pouvant contenir tout juste une personne, des pataugeoires où s’allonger pour se reposer à peine recouvert d’eau, le presque équivalent en version spa, etc… Il y en a pour tous les goûts ! Quand on est fourbu après une longue journée, il n’y a rien de mieux…

Revenant au centre de Nagoya une paire d’heures plus tard, je trouve l’Internet café qu’on m’avait indiqué et hallucine de nouveau.

Plan logement 2 : Manga/Internet café

C’est encore mieux que ce à quoi je m’attendais : outre un tarif spécial pour la nuit passée à l’intérieur (deux fois moins cher que dans la plus miteuse auberge de jeunesse possible, c’est-à-dire 1200 yens pour 8 heures), tout est fait pour actuellement PASSER la nuit à l’intérieur.

On peut choisir pour le même prix un espace collectif, une pièce privée avec fauteuil inclinable ou une autre avec sol matelassé pour s’allonger, tout comme on a accès à volonté au drink bar incluant thé/café/jus de fruits. Des couloirs entiers sont couverts de mangas si nombreux qu’un moteur de recherche est à disposition, quantités de jeux en ligne populaires sont installés sur les ordinateurs et l’emploi des postes n’est limité qu’au très mignon « respectez la loi japonaise, s’il vous plaît » ! En somme, c’est un endroit fantastique. J’ai choisi l’option fauteuil inclinable et j’ai passé une excellente nuit dans mon petit local. A refaire, absolument.

Mon petit logis d'une nuit