vendredi 20 avril 2012

Au festival du Pénis de fer...


Parmi les nombreuses images d'Epinal du Japon, l'une des plus prolifiques de cette dernière décennie est celle du Pays-du-n'importe-quoi. Jeux télévisés débiles, pubs incompréhensibles, clips vidéos laissant perplexe, vidéos absurdes et jeunesse déjantée alimentent (avec raison) le label "WTF Japan ?" et pouillent régulièrement le cerveau des néophytes s'aventurant en ces terrains inaccessibles. Si la cause immédiate d'un tel déchaînement d'incompréhension à l'état pur est à trouver dans la totale insoumission aux standards occidentaux, les facteurs profonds sont plus difficiles à déceler et plongent leurs racines dans l'Histoire et la culture du pays. D'un point de vue occidentalo-impérialiste, cela consisterait à dénicher où, quand et comment quelque chose dans le pays a basculé irrémédiablement dans le non-sens. Même si je me sens de plus en plus en faveur du Japon dans cette guerre des standards made in USA, cette question mérite d'être posée et j'aimerais bien en trouver les réponses avant la fin de mon séjour.

Un facteur est toutefois facile à identifier : le Japon n'a jamais été de manière générale sous l'influence de la morale judéo-chrétienne. Du coup, les mœurs et les comportements sont radicalement différents dès que l'on entre dans la sphère privée. Shinto et bouddhisme y font la loi - ou plutôt, l'absence de loi et de tabous. C'est ainsi lors d'un festival shinto que j'ai pu basculer dans la frange WTF du Japon, cet aperçu de la sixième dimension où l'absurde règne en maître. C'était à Kawasaki le 1er avril, et ce n'est pas un poisson : le Kanamara Matsuri ("Festival du Phallus de Fer").

Coucou

Le shinto est une religion sans livre qui se vit et se perpétue au-travers des festivals - bien que les Japonais n'y voient absolument rien de religieux. En l'occurrence, le Kanamara Matsuri est un festival de fertilité organisé autour... d'un pénis en fer. Celui-ci a une petite légende : il a bien longtemps, durant les temps médiévaux, un démon aux dents aiguisées s'était caché dans le vagin d'une jeune femme et castrait les hommes avec qui elle couchait, y compris son jeune mari durant la nuit de noces. Éplorée, la jeune femme est allée quérir l'aide du forgeron qui lui a fabriqué un phallus en fer. Employé à bon escient, le morceau de métal a brisé les dents du démon, réglant le problème une bonne fois pour toute. Devenu objet de dévotion, le godemiché a été placé dans le sanctuaire shinto Kanayama et dès lors a recueilli les prières de prostituées cherchant à se protéger des MST, de femmes enceintes voulant accoucher sans danger ou encore d'amoureux souhaitant une bonne harmonie dans le couple.

Il y avait foule dans le sanctuaire archi-bondé

Aujourd'hui, le festival est devenu un objet de curiosité attirant des touristes venus du monde entier pour un petit détour burlesque. Ainsi, divers stands y vendent des produits reliés de près ou de (très) loin à la fertilité : porte-clefs coquins, charmes magiques, jeux de cartes érotiques, etc... et bien sûr, toute sorte de nourriture rapide dans la droite tradition des matsuri, les mets étant rebaptisés pour l'occasion. Mais, fidèlement à la tradition historique et à la consécration première du sanctuaire, toutes les recettes sont reversées à la lutte contre les MST.

Charmes porte-bonheur

Ne vous emballez pas, il ne s'agit que de takoyaki

Sucettes en forme de pénis et de vagin

Mais attention, la marchandisation du festival n'empiète pas sur son caractère religieux. La présence de commerçants aux portes des temples n'a d'ailleurs rien de choquant pour les Japonais - qui trouvent ça pratique plutôt qu'autre chose, pouvant acheter des babioles ou se nourrir sur place lors des matsuri. En effet, souvenez-vous que Jésus n'est pas passé par là dans l'un de ses accès de colère et que s'offusquer de la situation attirerait bien des regards étonnés.

Comme pour tous les autres festivals shinto, toute un cortège a sillonné le quartier en portant des sanctuaires miniatures (mikoshi) sur les épaules tout en scandant des slogans pour garder le rythme. Mais contrairement au matsuri auquel j'ai participé en octobre, ce ne sont pas des mini-structures en or que nous avons baladé pendant un bon moment, mais bien des phallus de deux mètres de haut.

Le prêtre bénit la foule et le premier mikoshi

Pas de festival shinto sans tengu, que diable !

Sortie des mikoshi dans une foule compacte

Et de un !

Et de deux !

Et de trois, avec ce qui semble être le pénis en fer de la légende !

Bonne ambiance et bon esprit



Point intéressant : le pénis rose n'était porté que par des femmes... et des travestis

A l'avant du cortège, la prêtresse shinto restait de marbre


Des porteurs de drapeaux géants annonçaient la procession

Cette fois-ci, je ne me suis pas fait prier en portant allègrement le grand pénis en acier. C'était très sympa comme ambiance, très bon enfant, détendu, et on voyait que les gens étaient là pour s'amuser. Très belle expérience en somme !
De retour au sanctuaire, on a eu droit à plein d'autres animations, dont une représentation de tambours taiko et un concours de sculpture de phallus dans des grands radis blancs japonais. Et puis on est rentrés, après une matinée dans la terre du WTF complet.


On a quand même eu le temps de voir des trucs sacrément bizarres

1 commentaire:

Anonyme a dit…

No onpa aivan erityisen erikoinen juhla! Mutta mitähän mahtaisi tapahtua jos sen siirtäisi vaikka Pariisin kaduille...
;) ?!