mercredi 26 octobre 2011

Nakamura 4 ever

L'autre jour, je suis tombé malade. J'ai dû me choper une saloperie qui passe, avec pour résultat un rhume bien méchant et une grosse faiblesse qui m'a cloué au lit pour l'aprèm. Pauvre chou

Ca doit être à cause de l'automne tout ça, avec une alternance de jours chauds à 25°C et de jours frais à 15°C. Encore que je ne crache pas trop sur l'automne, tout d'abord parce qu'il n'y a eu qu'une ou deux journées froides depuis le début et parce que c'est la saison idéale après un été de l'angoisse où on se demande par où est la sortie du hammam. Et à la différence de la France, notamment de mon Plateau, il ne pleut quasiment jamais. Du coup, on se balade en T-shirt jusqu'à se faire fister par la monsieur de la météo.

Etant malade, j'ai fait comme les Japonais : j'ai mis un masque.


Halloween n'est plus très loin.

A part ça, il m'est arrivé plein plein de trucs durant ce mois où je n'ai presque pas posté. Ca part dans tellement de directions différentes qu'il n'est pas facile d'en faire un récit harmonieux... Mais fort heureusement, j'ai trouvé un fil conducteur pour beaucoup d'évènements : Nakamura-san, la gardienne de la résidence.


Tout a commencé lors d'une soirée normale fin septembre, où en rentrant de courses je décide de passer par la cuisine. Et là, grand WTF, je vois les Italiennes et Nakamura-san attablées autour de deux packs de bière. Vides. Je me vois proposer une des bières restantes, je la prends et m'apprête à l'ouvrir quand Nakamura-san m'arrête à temps : elle n'est pas fraîche, il faut la mettre au frigo pendant quelques minutes. Awesome.
Elle nous a alors un peu raconté son histoire personnelle. Fan d'Elvis dans les 60es, elle a appris quelques rudiments d'anglais en écoutant ses chansons. Elle aime toujours la musique d'ailleurs, ainsi que le cinéma, ce qui fait drôle de voir cette incroyable grand-mère japonaise s'enflammer pour Autant en emporte le vent. Elle a bossé pendant quelques décennies dans la résidence, et maintenant que c'est sa dernière année... Pour une raison ou pour une autre, elle nous a pris en affection et demande plusieurs fois si ça nous dérange qu'elle soit là. Bien sûr que non !

Le jeudi suivant, je monte dans la cuisine à temps pour voir deux grands bols de salade et un pichet de Sangria maison faits par mamie Nakamura à notre attention pour le dîner. Awesome. Mais le timing est très mauvais, ayant un rendez-vous prévu avec d'autres personnes... Ce n'est que partie remise, car le samedi s'organise une grande cooking party dans le dorm !

Les Pays-Bas préparant des sortes de pains perdus ultra bons

Boulettes de viande pour l'Italie

Purée de pommes de terres et brocolis pour le Danemark

Plâtrée de maki de la part d'une Residing Assistant japonaise

Mais le top du top, c'est Nakamura-san qui s'est une fois de plus déchirée pour nous.


Si je ne me rappelle plus du nom du plat, il n'en reste pas moins que c'est un sacré baquet avec du riz surmonté de morceaux d'omelette, de légumes frais, de fruits de mer, etc... Le must, quoi.

A côté de ça, l'Angleterre, la France et le Mexique ne brillent pas pour leur originalité vu qu'ils ont préparé respectivement des pancakes, des crêpes et des tacos. L'union des glucides fait la force. Toujours est-il qu'on a eu à manger pour trois jours après ça.



Une semaine plus tard, Nakamura-san nous a entraînés dans le resto de son fils. Oui, de son fils, qui tient un petit resto de cuisine française ultra-populaire et ultra-coté pour lequel il faut réserver des semaines à l'avances pour avoir une table. C'est comme ça qu'on s'est retrouvés un dimanche à Asakusa, quartier à l'ambiance très chouette renfermant notamment le plus ancien temple de Tokyo, qui est à mes yeux celui qui a le plus de gueule : le Sensô-ji !

Le complexe est ouvert par la célèbre Kaminarimon (雷門, La porte du Tonnerre), gardée par Raijin et Fûijin, dieux de la Foudre et du Vent

Plutôt célèbre aussi, l'allée menant au temple est occupée sur 200 mètres par une infinité d'échoppes vendant babioles, kimono et nourriture. Le meilleur endroit pour trouver des souvenirs à Tokyo.

Le portail d'entrée monumental du temple, qui n'est pas là pour rigoler

Le temple proprement dit, envahi par les touristes le week-end. Là, c'était un soir tranquille de semaine


Asakusa est encore relativement proche du dorm, à à peu près 30 minutes en métro changements compris. Mais le problème, c'est que quand on a une gueule de bois à cause de la double-soirée de la veille, 30 minutes bringuebalé dans tous les sens semblent une éternité. Une éternité de souffrance. Fort heureusement, quand on réapparaît à la lueur du jour, il y a certaines choses qui font passer la nausée. Le Tokyo Sky Tree, par exemple.


Avec ses 634 mètres, c'est la plus grande tour du monde et la seconde plus grande construction du monde (coucou Burj Khalifa).

En s'éloignant un peu des grandes avenues pour s'aventurer dans les petites rues, on arrive dans le restaurant. La classe.


Ce n'était pas vraiment de la cuisine française, mais bien plutôt de la cuisine japonaise adaptée à une présentation à la française. C'est d'ailleurs bien mieux comme ça, je n'ai pas fait le tour de la Terre pour manger un steak frites ! Croyez-moi, c'était un délice.




Continuons dans un autre registre avec une sortie culturelle : nous étions alors le lundi 17 octobre au soir. Nakamura-san connaissait un temple où se déroulait un matsuri et tenait absolument à nous y emmener. C'est ainsi qu'elle s'est présentée devant nous avec une paire de baskets aux pieds, déclarant que c'était à une vingtaine de minutes de marche tout en nous montrant son smartphone avec un grand sourire. Une application y affichait qu'elle avait fait plus de 10.000 pas dans la journée. Elle tient la forme pour une demoiselle de plus de 70 ans !

Le temple était assez loin en effet. Dénommé Kishimojindô (鬼子母神堂), il est dédié à une divinité bouddhique nommée Kishimojin (鬼子母神, les caractères signifiant uns-à-uns ogre/enfant/mère/dieu), d'où le nom du temple, mes très chers captain obvious. Dans les temps anciens, il s'agissait d'une ogresse dévorant les enfants des autres pour nourrir les siens. Mais un jour, le Bouddha est arrivé et lui a donné une petite leçon en touchant à ses enfants, et depuis l'ogresse cannibale s'est calmée pour devenir une protectrice des mères et des enfants. De nos jours, les mères japonaises vont prier à ce temple pour bénir leur relation avec leur progéniture.

Demoiselles japonaises devant le Kishimojindô

Toujours est-il que le matsuri n'avait pas grand chose à voir avec ça. Il s'agissait de l'Oeshiki-matsuri, festival de grande ampleur qui se déroulait dans trois endroits différents de Tokyo en même temps, et sans doute aussi en dehors de la capitale. En mémoire de Nichiren, grand bonze du XIIIe siècle, on fait la fête autour des temples et on lance de grandes processions à grands renforts de musique et d'acclamations. Mais le plus important reste la lanterne.


Portée à tour de rôle par les participants, elle pulse et virevolte au son des tambours comme une méduse. Petit morceau d'ambiance avec une vidéo du cru.



On ne voit qu'une lanterne sur cette vidéo, mais il paraît qu'une grande procession a eu lieu plus tard dans la soirée avec une dizaine de poulpes lumineux du même genre. Mais c'était trop tard pour nous, malheureusement.

Quoi qu'il en soit, j'ai adoré l'ambiance de kermesse qui régnait tout autour du temple. Des dizaines et des dizaines d'échoppes et de stands s'étaient plantés dans le domaine, vendant de la nourriture typique pour pas cher, des bières pour très cher, des petits poissons rouges pour les enfants et toutes sortes de masques, vire-vents et autres babioles dans un esprit festif. Ca sentait bon la fête innocente et les souvenirs d'enfant.






Dernière sortie et pas des moindre, Nakamura-san tenait à nous emmener dans un izakaya qu'elle connaît bien. Samedi dernier donc, on part en début de soirée pour Yotsuya, au coeur de la capitale. On prend l'ascenseur dans un immeuble semblable à tant d'autres, et rien ne laissait présager que l'ouverture des portes nous précipiterait dans une bonne ambiance de bar à la japonaise. On se serait cru aux temps de la Prohibition où des portes dérobées menaient aux pubs clandestins.

Là, les tenanciers d'un certain âge saluent Nakamura et nous emmènent à une grande table. Il n'y avait quasiment personne, comme si l'établissement avait été privatisé pour nous. On a très vite commencé à trinquer alors que les plats simples, mais ouffisimes d'izakaya affluaient devant nous. Poulpe, sashimi, croquettes, on a eu droit à tout. Mais le plus beau, c'est quand notre Resident Assistant Hiroshi nous a annoncé que Nakamura était une grande habituée de ce bar. Au même moment, elle est apparue avec une énorme bouteille de whisky offerte par le patron et qu'elle a posé sur la table avec l'air de dire "Roulez jeunesse !". C'était magique.

Plus tard, un vieux pote de Nakamura est arrivé et s'est assis à la table. Avec sa voix rauque mais posée, son visage ridé, ses yeux réduits à la taille de fentes et son béret vissé sur la tête, il était entièrement dans l'ambiance. La véritable image d'Epinal du grand-père ouvrier habitué des bars où il retrouve ses potes le soir venu. Et pour un habitué, c'était un habitué lui-aussi : sur un simple geste, le patron lui a passé sa bouteille personnelle. Avec une coque en bois peinturlurée d'inscriptions et au goulot entouré d'une dizaine de pendentifs et bibelots clinquants, on ne pouvait faire plus customisé. Comme on pouvait le penser en le voyant, il était ultra-sympa : il nous a suffi de parler un peu avec lui pour qu'il nous ramène des pâtisseries japonaises et en distribue à tout le monde. Il est même allé jusqu'à faire un aller-retour pour en chercher une deuxième tournée pour les demoiselles. Adorable jusqu'au bout.

Comme Nakamura-san.

2 commentaires:

Souf a dit…

Je veux la rencontrer !
Elle me fait un peu penser à tante de Finlande quand tu la décris. Toujours là pour servir et super attentionnée !

Profite petit !

Chevreuil a dit…

C'est vrai, elle fait un peu penser à Mervi. Un peu la même allure, la même gentillesse et la même vivacité d'esprit malgré l'âge !