mardi 20 mars 2012

Hokkaidô, pays de la neige et du houblon

A la place d'avoir de longs congés d'été, le Japon a un autre mécanisme de repos bien particulier : la multiplication des jours fériés. Ceux-ci peuvent avoir des raison historiques (Jour de la Constitution le 3 mai), des raisons pseudo-historiques (Anniversaire de la Fondation de l'Etat le 11 février), des raisons pratiques (Jour du Sport le 2e lundi d'octobre), et puis... des raisons naturelles, comme l'Equinoxe de Printemps qui est tombé aujourd'hui.

Eh oui, le printemps mesdames et messieurs ! Même si ça va tout doucement, les fleurs commencent à fleurir, les arbres bourgeonnent et les prédictions du Sakura Zensen ("Front de cerisiers en fleurs") se précisent de jour en jour. Suivez la situation par vous-même en temps réel grâce à la super carte interactive que voici, la floraison totale (indiquée en rouge) devant atteindre Tokyo aux alentours du 1er avril, et ce n'est pas une farce. Et pour vous prouver que je ne raconte pas des cracks, voilà une photo prise la semaine dernière sur les berges d'une rivière en pleine capitale.


Ce n'est pourtant pas de printemps que l'on va parler cette fois-ci car un petit retour en arrière nous rattrape au plein cœur de l'hiver. Et je ne parle pas de la saison morte de Tokyo, mais d'un bon hiver de bûcheron avec des quintaux de neige et des températures négatives. Eh oui, je vous emporte sur l'île septentrionale de Hokkaidô, et attachez vos ceintures car le moyen le plus rapide et (presque) le moins cher reste de prendre l'avion. Attention au décollage.

Hokkaidô, c'est grand, c'est beau, mais c'est quasi-vide et c'est à 1000 km de Tokyo

Début février, je pars donc avec ma copine pour cinq jours à Sapporo, la préfecture et plus grande ville de Hokkaidô. C'est une ville très intéressante, au départ simple comptoir commercial fondé par les Tokugawa à la toute fin du shogunat au début XIXe (en virant les Aïnu, peuple indigène qui se baladait là) qui s'est ensuite développé avec l'implantation de l'Université de Hokkaidô spécialisée dans l'agriculture. Mais Sapporo, c'est aussi une gigantesque aire urbaine avec un tout petit centre-ville, des maisons avec une vraie isolation thermique, des musées, le quartier branché de Susukino rempli de néons mais indétectable à deux rues, des échoppes à râmen à tous les coins de rue et des passages piétons vicieux. Musique d'ambiance et petit panorama.

La Clock Tower de Sapporo, symbole de la ville et ancien bâtiment de l'Université de Hokkaidô. Comme quoi, leurs destins sont liés !

La Tour de la Télévision (テレビ塔), qui par un jeu de mot tout à fait japonais, devient le Père Télévision (テレビ父さん). Non seulement sujet de calembours, la structure devenue personnage est un meme municipal hilarant pour quiconque est monté à son sommet.
 
Vue sur les collines avoisinantes depuis la Tour de la Télévision

Hitsujigaoka, vaste pâture remplie de moutons l'été, de neige l'hiver. Mais qu'il pleuve ou qu'il vente, on y retrouve la statue de Clark, symbole humain de la ville, l'un des fondateurs de l'Université dont les dernières paroles, adressées à ses étudiants alors qu'il s'apprêtait à rentrer en Amérique, sont devenues le motto de la ville: "Boys, be ambitious !"

Orchidée au Jardin Botanique, ici encore lié à l'Université

Le campus de l'Université, immense, qui s'étend en plein centre-ville. Très sympa en hiver avec une grosse population de bonhommes de neige, très certainement mythique en été

Vélos à retrouver au printemps prochain

La Tour Commémorative du Centenaire de la Colonisation de Hokkaidô, qui par un étrange coup du sort ressemble à la tour de Sauron

Le quartier nocturne de Susukino

L'ancienne demeure du gouverneur de Hokkaidô, immense manoir en briques qui fut la plus grande construction du Japon en son temps

Un bon bol de râmen de Sapporo. Chaque région du Japon a "sa" recette de râmen, le Sapporo râmen étant sans doute la plus répandue (on en retrouve jusqu'à la rue Ste Anne)


Mais aussi charmant que soit Sapporo, ce n'est pas pour la ville en elle-même que nous avons fait le déplacement. Ce qui nous intéressait vraiment est un grand évènement annuel qui draine des touristes du monde entier et qui a fêté cette année sa 64e édition : le Festival de la Neige !


Pendant une semaine, le loooooong parc central de Sapporo est occupé par une myriade de sculptures de neige, allant du bonhomme de neige gentillet à la réplique d'un château japonais de 10 mètres de hauteur. Culture traditionnelle et culture populaire se recroisent, des effigies de personnages de manga ou de dessin animé cohabitant avec des sculptures de dragons, de bâtiments célèbres ou encore d’œuvres en rapport avec l'actualité - et notamment du séisme du 11 mars 2011. Mais un concours international de sculptures de neige est également organisé, réunissant des participants aussi divers que la Suède, Hawaï ou Singapour tandis que partout fleurissent des toboggans de neige, des bars de glace et des échoppes temporaires pour le bonheur des petits et des grands. Entre deux saucisses grillées et un bol de râmen, il y a vraiment de quoi être ébahi devant le talent des artistes hivernaux.


Mickey géant

Le Palais des Animaux, sculpture de glace d'après le dessin d'une étudiante de primaire sinistrée du tsunami

L'un des clous du Festival : la vie sous-marine. Dommage que le niveau de détail et de relief de ce chef-d’œuvre n'apparaisse pas sur la photo

Crossover géant de One Piece et Toriko, deux séries phares de l'hebdomadaire Shônen Jump

"En attendant le printemps", une fresque toute mignonne autour d'une fleur

Lamu, de la série "Urusei Yatsura"

Réplique du musée national de Taiwan

Réplique du Taj Mahal, trop grande pour être prise en une seule photo

Rilakkuma, personnage commercial tout mignon dans la droite lignée de Hello Kitty

Zone fumeur construite... en glace

Oeuvre de la délégation d’Hawaï au concours international

Participation des Pays-Bas, il me semble

Contribution de Taiwan

Tortue-luth de je-ne-sais-plus quel pays

Singapour

En parallèle du Festival de la Neige, il se déroule en plein cœur de la ville le Susukino Ice Festival qui a fêté cette année sa 32e bougie. Comme son nom le laisse entendre, il s'agit non plus de bonhommes de neige mais bien de délicates sculptures de glace. Œuvres purement artistiques et publicités même pas déguisées se succèdent ainsi le long d'une avenue centrale de la ville. Petit aperçu en photos.




Avez-vous déjà vu un dragon manger des râmen ? Maintenant, oui.



Un bar de glace.


C'est bien beau tout ça, mais Sapporo se parcourt relativement rapidement. Prenant une journée sur notre planning, nous sautons dans le train pour Otaru à une trentaine de kilomètres de là, petite ville côtière jadis reine de la pêche au hareng. Plus un seul banc de poisson ne fraie dans la baie de nos jours, seule la neige règne en maître.

Sanctuaire englouti


Mais à la nuit tombée, la ville toute entière se métamorphose alors que des milliers de bougies s'allument sur les eaux du canal et les berges environnantes, faisant basculer la bourgade dans un conte de fées. Bienvenue à l'Otaru Snow Light Gleaming Path !












J'ai beaucoup écrit à propos de neige mais quand on parle de Sapporo avec des Japonais, il y a une toute autre image qui vient en tête : la bière. Eh oui, la bière Sapporo est l'une des marques principales de la boisson alcoolisée ! Tout naturellement, c'est à Sapporo que ledit breuvage a été brassé pour la première fois, et c'est là-bas que reste encore l'usine historique aujourd'hui reconvertie en musée. Bienvenue au Musée de la Bière Sapporo !


On venait à peine d'arriver quand deux Japonais sortirent de l'ancienne usine en chancelant avant de vomir dans la neige. Voilà qui pose le décor. Unique en son genre, ce musée est entièrement gratuit et expose dans les détails l'histoire de la marque Sapporo ainsi que le processus de création de la bière depuis le champ de houblon jusqu'à la bouteille.

Premières production de la marque Sapporo. Que d'histoire !

Affiche publicitaire de la fin du XIXe siècle. A cette époque, la bière était très peu répandue et se buvait mélangée avec le saké - ce qui explique la présence de la geisha

Affiche publicitaire d'entre-deux-guerres avec une ambiance parfaitement alcoolique

Affiche publicitaire des années 1960, quand les dessins ont commencé à laisser place aux actrices célèbres

Affiche publicitaire des années 1980, lorsque les hommes aussi se sont mis à faire la promotion de la bière

Le génie commercial de la marque apparaît en fin de visite : on débouche dans une grande taverne où l'on nous propose de goûter pour un prix raisonnable aux différentes cuvées estampillées Sapporo dont le musée parle longuement. Ni une, ni deux, on s'est pris le set avec trois bières différentes.

Effectivement, le goût est différent selon les cuvées. Mon préféré reste peut-être le Black Label... qui est comme par hasard le plus grand succès de la marque !

Ambiance sympathique

On pouvait aussi acheter d'autres produits du groupe commercial, comme ce "Clark's coffee"... Un bon exemple du n'importe quoi marketing japonais.


On s'approche de la fin du séjour, mais il est hors de question de quitter Sapporo sans goûter à la GRANDE spécialité culinaire : le Gengis Khan (ジンギスカン). Il s'agit d'un barbecue d'agneau sur un grill un peu spécial dont la forme rappelle le casque du célèbre guerrier mongol. Pour cela, rien de mieux que d'aller dans un resto traditionnel réputé aux allures de vieil izakaya, bondé avec une longue file d'attente, mais il valait le coup d'être patient.

C'était un pur régal, mais on a senti le mouton crevé pendant une semaine.


Sapporo, c'était donc bien coolôs. Je retournerais bien à Hokkaidô pour faire un brin de randonnée et profiter des grands espaces à la belle saison avant mon retour en France, mais peut-être que d'autres coins du Japon encore inexplorés me lanceront de meilleurs appels à l'aventure. On verra !

Tout ce que je veux en fait, c'est trinquer un coup avec le père Télévision et son brave acolyte de Clock Tower...

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