vendredi 2 mars 2012

Chevreuil VS Wild 5/5

Jour 5 : L'armée des 160 singes

Après un réveil tranquille au ryokan, je jette une veste traditionnelle sur ma yukata et descends prendre le petit-déjeuner préparé par mon hôte. Comme je m’y attendais, c’est un petit-déj japonais : riz, poisson grillé, légumes marinés et soupe miso au menu. Je fais par la même occasion connaissance avec un autre voyageur attablé, un Irlandais faisant un long voyage au travers du Japon avant de prendre son poste comme prof d’anglais près d’Osaka. Mais je ne m’éternise pas pour autant car mon hôte est prêt à m'emmener en voiture à la porte des montagnes, là où la forêt reprend tous ses droits : Jigokudani, alias la Vallée de l'Enfer.

Le chemin des Enfers

Mais pourquoi diable une telle appellation ? Comme bien souvent, il faut en revenir à la topographie particulière du Japon : cette vallée regorge de sources chaudes et autres fumeroles aux douces senteurs de soufre qui forment un panorama infernal. Et comme tout monde souterrain, cet enfer a ses démons : des macaques japonais. C'est là-bas que se trouve l'un des parcs à singes les plus connus du Japon (Jigokudani Yaenkôen - 地獄谷野猿公園) où une colonie d'environ 160 singes a établi ses quartiers depuis les années 1960, batifolant dans les montagnes l'été et se baignant dans les sources chaudes l'hiver. C'est même probablement l'un des seuls de ce genre dans le monde, et si vous avez vu des photos de singes se la coulant douce dans l'eau chaude, il y a 90% de chances que les clichés viennent de cet endroit. L'idée de voir des singes se baigner sous la neige m'avait tout de suite emballée quand j'ai préparé le voyage, et si je m'attendais à voir ça :


Ce que j'ai vu s'apparente plutôt à ça :


Oui, les macaques de Jigokudani m'ont semblé presque plus humains que des hommes. Ils vivaient leur vie peinards, se relaxant dans l'eau chaude, sortant croquer la dalle dans la neige jusqu'à ce qu'ils aient froid et qu'ils reviennent dans l'eau, les plus jeunes faisant le bordel dans l'eau jusqu'à ce que les adultes les réprimandent, et le tout avec un jeu d'expression bluffant. C'est un peu bête à dire, mais les voir ainsi m'a fait réfléchir sur les différences entre hommes et animaux... ou bien plutôt leurs ressemblances. J'ai vraiment eu la sensation d'avoir des êtres dotés d'une âme, voire même de raison en face de moi.

Bref, j'ai vu des singes se baigner dans l'eau chaude.









Coucou

Mais s'il y a un point sur lequel les singes différaient des hommes, c'est que la présence d'une nuée d'humains et d'objectifs autour de leur bassin ne les dérangeait pas le moins du monde. Un petit jeu de questions-réponses sur place affirmait que les singes ne faisant pas attention aux humains. C'est même pire : ils n'en ont rien à faire. Là où des hommes auraient déjà pété un câble et houspillé les visiteurs, les singes continuaient leur petite vie pépère, s'engueulant dans la neige, flottant les doigts de pied en éventail dans l'eau, s'épouillant les uns les autres et traversant le chemin juste devant vos pieds comme si vous n'existiez pas.
L'autre différence est qu'ils font leurs besoins dans l'eau. Si se baigner avec un singe peut sembler amusant et parfaitement décalé (j'en avais caressé l'idée), c'est une situation qu'on préfère éviter au final. Croyez-moi.

Boule de poils

De retour au ryokan, mon hôte m'a offert ce qu'on ne voit pas à tous les coins de rue : une démonstration de kyûdô, alias d'archerie japonaise. Car si sa famille tient l'établissement depuis plusieurs générations, son père, son grand-père et ses ancêtres avant eux étaient aussi de grands maîtres dans cet art martial méconnu. L'auberge traditionnelle possède même son dojo et son terrain de tir où des clubs de sport universitaires (tels que Waseda) organisent leurs camps d'été.

Concentration intense avant le tir


Tirer avec un arc pareil n'est pas chose aisée, surtout avec une cible située au-delà de 15 mètres. Si mon hôte a mis une flèche sur deux dans le mille, la flèche que j'ai tirée à 30 cm de la cible lors de ma petite initiation n'a même pas atteint son but. Je ne suis pas prêt de rivaliser avec un 5e dan !

Bric à brac de médailles et de cibles vieilles de plusieurs décennies, percées en leur centre lors de grands tournois

Après avoir pris congé, il m'est resté un peu de temps avant de reprendre le charmant train express Snow Monkey pour Nagano. Du coup, je me suis un peu baladé dans la station thermale et pris quelques photos.


"Yudanaka Onsen", portail d'entrée de la station thermale en face de la gare



Lampadaires bon esprit

Mais l'heure tourne et il me faut déjà rentrer à Tokyo. Retombant sur la ligne JR à Nagano, je repars vers le Sud de la vallée, passant à Matsumoto avant de piquer vers le Sud-ouest et d'arriver à Kôfu après une litanie de petites stations paumées. Vu qu'il faisait déjà nuit, je me suis dépêché de prendre un bentô avant de me demander si j'allais arriver à temps à Tokyo ou s'il me fallait passer une nouvelle nuit dans un izakaya au milieu de nulle part. Heureusement, un train pour Shinjuku a fini par pointer le bout de son museau et c'est pile poil à minuit que je suis arrivé à Takadanobaba, heure d'expiration de mon pass Seishun 18. Impec !

Vue depuis le train, quelque part dans la préfecture de Nagano


Au final, ça m'aura pris bien plus de temps que prévu pour relater ce voyage ! J'espère que le récit vous a plu. Il s'est passé beaucoup de choses pendant ce laps de temps, et vu qu'il serait débile de rester à Tokyo se tourner les pouces pendant un mois de vacances, j'ai voyagé du Nord (Sapporo) au Sud (Kumamoto) du Japon aussi bien qu'à Taiwan, mais je vous raconterait ça plus tard dans des articles bien plus concis. Mais restez à l'antenne, car le prochain article traitera de Japon, oui, mais aussi de catch et de corps bodybuildés. A la prochaine !

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